Vincent et Julie viennent de perdre leur père.
Julie est partie à Paris depuis ses 18 ans. Elle en a maintenant 30. Vincent, lui, est resté là. Dans son village natal. Il s’est occupé de son père durant sa maladie et a trouvé un travail dans le Gamm Vert du village d’à côté.
Ils se retrouvent 3 jours après le décès.
Écriture Caroline Guiela Nguyen avec l’ensemble de l’équipe artistique
Mise en scène Caroline Guiela Nguyen
Avec Dan Artus, Caroline Cano, Chloé Catrin, Mehdi Limam, Violette Garo
Scénographie Alice Duchange
Création costume Benjamin Moreau
Création sonore Antoine Richard
Collaboration à la composition musicale Teddy Gauliat-Pitois
Création lumière Jérémie Papin
Création vidéo Quentin Dumay
Dramaturgie Mariette Navarro
Collaboration artistique Claire Calvi
Suivi artistique Julien Fisera
Régie générale Serge Ugolini
Régie lumière Corentin Schricke
Habillage Barbara Mornet
Réalisation costumes Dominique Fournier et Barbara Mornet
Construction décor Les Constructeurs (chef constructeur Gabriel Burnod, serrurier Gilles Petit, menuisier Denis Collas, peintre Stéphane Boucherat)
Production Les Hommes Approximatifs ; La Comédie de Valence, CDN Drôme-Ardèche
Coproduction Centre dramatique régional de Tours – Théâtre Olympia ; La Colline – théâtre national ; La Comédie de Béthune, CDN Nord-Pas-de-Calais ; Théâtre de la Coupe d’Or, scène conventionnée de Rochefort.
Avec le soutien de la DRAC Rhône-Alpes, ministère de la Culture et de la Communication, du Conseil général de la Drôme, de la Ville de
Valence, du collectif 360 et des Subsistances, Lyon.
Le Chagrin a été créé à La Comédie de Valence le 31 mars 2015, puis présenté au Théâtre Olympia de Tours du 21 au 24 avril et au théâtre national La Colline du 6 mai au 6 juin 2015.
Le spectacle a été en tournée au cours de la saison 2015-2016 pour 68 représentations.
ENTENDRE DES POLYPHONIES
Nous citons toujours cette phrase des frères Dardenne : filmer la vie, y arriverons nous ? Nous nous posons la même question : mettre en scène la vie, y arriverons-nous ? Cette question pour Elle brûle passait par la tentative d’hyper réalisme, comme une quête impossible de copie du réel. Mais cette tentative de restituer le monde tel qu’il nous parvient ne pose pas uniquement une question esthétique, elle pose en soi, la question de la narration. Comment la vie se raconte t-elle quand nous la voyons se dérouler devant nous ? Si nous faisons l’expérience de nous asseoir dans un salon et de regarder une famille évoluer dans une même journée nous pourrions faire le constat à la fois déroutant et libérateur : rien ne se raconte si ce n’est la vie qui passe. Le centre n’existe pas. Nous sommes plongés dans un faisceau de problématiques et d’histoires qui se croisent.
S’ouvrent devant nos yeux, à chaque minute et avec arrogance, des sens qui jamais ne se referment, qui osent co-exister au hasard des rencontres. C’est ce système narratif que nous essayons de mettre en place.
Finalement, nous tentons de poser un cadre dans lequel passent des millions d’histoires.
Oui, avec la compagnie, nous pourrions dire cela, que nous nous contentons de poser un cadre, de délimiter un espace qui peut être infiltré à tout moment par des choses qui sont susceptibles de le percuter, le déplacer, faire sortir les pensées de leur chemin. Prenons par exemple à un enterrement, la soeur et le frère sont là, il sont plongés dans ce deuil-là.
Quelqu’un sonne, c’est un homme qui vient réparer le congélateur, dans son pantalon vibre son téléphone c’est sa femme qui l’appelle 20 fois par jour parce qu’ils viennent de divorcer… On pourrait dire que cette situation est absurde tant elle met en présence deux réalités complètement différentes, mais nous ne le pensons pas, nous savons que dans nos vies nous sommes tous les jours traversés malgré nous par le monde, que nous
sommes déviés de nos petites constructions intimes par d’autres vies que la nôtre. Et que le seul sens à trouver à cela est ici. Aucun lien, si ce n’est celui d’être en vie ensemble au même moment. Notre processus de travail et d’écriture implique cette polyphonie. Nous faisons avec les réalités qui se croisent sur le plateau. Nous faisons avec les corps, les voix, les réalités et les imaginaires de chacun. Nous ne nous rendons pas aveugle aux contradictions, à la cacophonie. Nous tentons d’accepter des situations qui nous paraissent invraisemblables et bizarrement, plus elles le sont, plus elles nous parlent du monde. Nos histoires ne sont pas le fruit d’un sens fixé au mur et qui ferait autorité sur le vivant. Nos spectacles sont le fruit de nos désordres, de notre non-sens, mais aussi de ce non-sens avec la volonté impossible que cela en ait. Nous tentons de mettre en scène une
chose mais nous laissons toujours la porte ouverte pour qu’un étranger vienne perturber le chemin. Nous n’avons pas de centre. Et notre plus grand travail est de ne pas avoir peur de cela. Il faut accepter d’être dévié, déplacé. Ne pas avoir peur de la vie qui nous traverse, et nous dévie, ne pas avoir peur de nos sorties de route. Cela nous le demandons à nous-mêmes, et aussi au spectateur. Nos spectacles tentent de retrouver le bruit, la polyphonie du monde.
C’est une douceur de savoir qu’on n’aimera jamais moins, qu’on ne se consolera jamais, qu’on se souviendra de plus en plus.
Lettre de Marcel Proust à Georges de Lauris
Quand j’étais enfant, il y avait un lac à côté de chez moi, le lac de Sainte-Croix. Nous savions que ce lac était artificiel et qu’avant que ce terrain soit recouvert d’eau, il existait un village. Le village de Sainte-Croix: le village englouti. On racontait que les soirs de pleine lune, nous pouvions apercevoir le bout du clocher qui resurgissait de l’eau. Petite, avec mes cousins, j’aimais m’y baigner, je plongeais avec une sorte d’insouciance. Plus grande j’ai commencé à avoir peur. Une peur irrationnelle : la peur que quelque chose revienne. La peur que des morts remontent à la surface de l’eau, pourtant si calme et paisible.
Caroline Guiela Nguyen